La famille Guggenheim

Dans la famille Guggenheim, je voudrais Meyer, le patriarche.

Meyer est le fondateur d’un empire industriel dont la fortune a permis à certains de ces enfants et petits-enfants de consacrer leur vie à l’art et au mécénat avec le succès que l’on connait.

Meyer est le seul garçon parmi les 6 enfants de Simon Guggenheim, pauvre tailleur de Lengnau, une des rares communes de Suisse où les juifs peuvent résider moyennant toutefois taxe et permis renouvelable.
Durant ses premières années, la vie de Meyer est difficile : le foyer connait la pauvreté, et les humiliations diverses sont légion. Lorsque sa mère tombe malade puis meurt, son père est placé sous tutelle et la fratrie est divisée, au grand regret de Meyer.
En 1847, à l’âge de 19 ans, il part tenter sa chance aux Etats-Unis. Il arrive à Philadelphie, vit dans un premier temps de colportages puis décide de commercialiser dans le nouveau monde la fameuse broderie de Saint-Gall.
Le succès ne se fait pas attendre. Après la dentelle, les Guggenheim diversifient leur activité, notamment dans les métaux précieux et, d’après Forbes, parviennent à se hisser en 1918 au deuxième rang des plus grandes fortunes américaines : 80% des réserves mondiales de cuivre, de fer et d’argent leur appartiennent.
En un demi-siècle, Meyer, le jeune homme juif pauvre et méprisé est devenu un richissime et redoutable capitaliste.
Il aura 11 enfants. Parmi eux, Benjamin et Solomon sont particulièrement férus d’art
Quand Benjamin meurt dans le naufrage du Titanic, sa fille, Peggy a 22 ans. Très atteinte par la mort de son père, qui lui avait transmis sa passion de l’art et des belles choses, elle décide de s’installer à Paris, où Benjamin séjournait régulièrement.

Peggy est douée, elle sait détecter les vrais talents parmi les artistes qu’elle fréquente. En véritable boulimique de l’art, elle achète énormément à des artistes encore méconnus et pour des sommes qui, aujourd’hui, feraient sourire.
Elle fuit la seconde guerre mondiale en se réfugiant aux Etats-Unis, accompagnée d’artistes qu’elle aide financièrement à faire le voyage et à poursuivre leurs activités à New York.

En 1952, le musée Peggy Guggenheim ouvrira ses portes dans un palais vénitien.

Solomon, quant à lui, mène en parallèle sa carrière d’homme d’affaires et, à partir de 1929, de collectionneur d’art contemporain. Ne partageant pas toujours l’avis de sa nièce, il mettra assez longtemps avant de lui reconnaître l’oeil et le flair qui ont fait la réputation de la collectionneuse

La fondation Guggenheim

En 1937, Solomon créé la fondation Guggenheim à New York. Avec sa conseillère artistique, la peintre allemande Hilla Rebay, il a pour objectif de « promouvoir, encourager et éduquer dans le domaine de l’art et éclairer le public ».
A sa mort en 1979, c’est à la fondation que Peggy lègue ses œuvres cubistes (Picasso, Braque), surréalistes (Dalí, Ernst, Miró) et abstraites (Pollock, Gorky) ainsi que son musée de Venise.

La fondation gère aujourd’hui l’ensemble des musées Guggenheim du monde (Bilbao, Venise).
Le premier musée de la fondation voit le jour, l’année de sa création, à Midtown Manhattan. Le « Museum of Non-Objective Painting » abrite la collection de peinture non-figurative que possède Solomon.
Derrière ce terme se cache un courant d’art moderne et contemporain né au début des années 1940. Les œuvres exposées dans le musée datent de la fin du XIXe siècle et du XXe siècle.

Ce musée se tenant dans un immeuble loué, la fondation envisage rapidement, dans les années 1940, de construire un bâtiment dédié et élaboré pour et autour de la collection. C’est l’architecte Frank Lloyd Wright qui est choisi pour relever le défi.

Mais cela prend du temps. Il faudra à Wright 15 ans, 700 croquis et six groupes de travail pour créer le musée
Solomon décède en 1949, Frank Lloyd Wright en mars 1959.

C’est finalement le 21 octobre 1959 qu’a lieu l’inauguration du Solomon R. Guggenheim Museum

Le musée Solomon R. Guggenheim

L’architecture

Le bâtiment, situé sur la Cinquième avenue, longe central Park.
Son aspect extérieur surprend : sa base est plus étroite que son sommet , évoquant une tasse à café géante. Peggy Guggenheim, de retour à New-York pour l’inauguration du musée, ne l’aime pas : elle estime que sa situation entre de hauts bâtiments ne le met pas en valeur, elle lui trouve des allures de grand parking couvert et l’affuble du surnom de « garage ». Quoi qu’il en soit, c’est un ouvrage remarquable qui a rejoint, en 2015, la liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO.

Car en fait, la réelle déception de Peggy n’est pas l’apparence du musée mais plutôt ce que l’art contemporain est en train de devenir, à savoir une valeur placement pour de riches individus qui achètent une œuvre par téléphone sans l’avoir jamais vue. Selon Peggy Guggenheim, cette attitude condamne l’art. L’homme ou la femme riche a un rôle de mécène à jouer au sens noble du terme, à savoir aider les talents à éclore, susciter des découvertes et des prises de conscience.

Peggy perd la foi en l’art moderne mais le musée voulu par son oncle est bien là pour permettre au commun d’accéder à quelques unes (trop peu certes) des 6000 œuvres qu’il renferme.
L’édifice a une structure originale, qui était à l’époque très innovante, mais qui continue de surprendre le visiteur.

Un immense puits de lumière constitue le centre d’une hélice. Le visiteur est invité à accéder au haut de l’immeuble puis parcourt les collections en empruntant une pente douce.
Pas de discontinuité, pas d’allers-retours, moins de piétinements, un espace fluide, 6 étages où les espaces confidentiels sont préférés à des salles d’exposition classique. Et aucun risque de se perdre !
Cela dit, cette conception architecturale n’a pas fait l’unanimité parmi les artistes de l’époque. Certains craignaient que le plan incliné de la rampe curviligne du musée nuise à une bonne contemplation des œuvres d’art exposées, n’appréciaient pas les effets de la source unique de lumière et souhaitaient que le projet soit reconsidéré.
Ce ne fut pas le cas….

La Collection Guggenheim

Parmi les collections permanentes se trouve, au troisième étage la Collection Guggenheim, créée par Solomon. Marc Chagall, Pablo Picasso, Vasily Kandinsky et Piet Mondrian en sont les artistes phares. La collection présente également une gamme d’œuvres d’art d’Europe et de Russie, de la deuxième décennie du 20e siècle ainsi que des sculptures de Constantin Brâncuși.

La Collection Thannhauser

Le niveau en dessous accueille la Collection Thannhauser, du nom de marchands d’art allemands du début du XXe siècle, et présente, entre autres, des tableaux de Pablo Picasso, Paul Cézanne, Georges Braque et Vincent Van Gogh. Réputés pour leur connaissance de l’art moderne et leur flair de dénicheur de talents, ils étaient amis avec les Guggenheim et ont offert pas moins de 70 œuvres au musée.

La Collection Kandinsky

Vient ensuite la Collection Vasily Kandinsky, avec plus de 100 peintures et 60 œuvres sur papier du maître. Il s’agit de la plus grande collection au monde.

Le musée Solomon R. Guggenheim est incontournable, à la fois par son architecture et parce qu’il demeure un magnifique lieu d’exposition de l’art d’avant-garde.

Lors de votre visite, ouvrez bien les yeux pour surtout ne rien rater !